Agatha Christie et l’Égypte, une passion littéraire
Agatha Christie, la reine du roman policier, a développé dans la seconde partie de sa vie une fascination profonde pour l’Égypte. Ses séjours répétés dans le pays, notamment lors des campagnes de fouilles archéologiques de son époux Max Mallowan, ont directement inspiré son œuvre.
C’est d’ailleurs assise à la terrasse du Winter Palace de Louxor ou du Old Cataract à Assouan qu’elle rédigea une partie significative de Mort sur le Nil (1937), s’imprégnant de l’atmosphère qui allait donner naissance à ce huis clos fluvial.
L’intrigue de Mort sur le Nil trouve son origine dans une croisière sur le Nil en 1933, où l’écrivaine observe la société coloniale britannique dont elle fera le terreau de son roman. Au-delà de ce titre célèbre, l’Égypte antique imprègne également La Mort n’est pas une fin, témoignant de l’influence durable de ce territoire sur son imagination.
Cet article retrace comment les voyages en Égypte d’Agatha Christie ont inspiré son écriture, entre découverte archéologique et observation sociale.
Nous explorerons les lieux égyptiens qui ont inspiré ses intrigues policières, des berges du Nil aux temples antiques, révélant ainsi les coulisses de Mort sur le Nil et la genèse de ces chefs-d’œuvre du roman policier.
- Agatha Christie et l’Égypte, une passion littéraire
- Agatha Christie et l’archéologue
- Agatha Christie et l’Egypte
- Mort sur le Nil, un roman aux multiples adaptations
- L’Égypte d’Agatha Christie, entre archéologie et fiction policière
- Sources
Agatha Christie et l’archéologue
La rencontre avec Max Mallowan et la découverte de l’archéologie
Outre sa carrière littéraire, Agatha Christie devint l’épouse (en secondes noces) de l’archéologue Sir Max Mallowan.

En 1928, après un divorce tumultueux, l’auteur, déjà célèbre, embarque dans l’Orient-Express pour Bagdad, rencontre les Woolley (fouilles de Ur), archéologues et admirateurs de la romancière. L’année suivante sur les mêmes fouilles, elle rencontre Max Mallowan, assistant archéologue, de 15 ans son cadet. C’est le coup de foudre. Ils se marient en 1930.
Une collaboratrice active sur les chantiers archéologiques
Le couple passera désormais le printemps et l’automne sur divers chantiers de fouilles au Moyen-Orient. Agatha Christie n’y fut pas une simple observatrice : elle documenta les fouilles par la photographie, participa au catalogage des artefacts tout en poursuivant son œuvre littéraire sur sa machine à écrire portable. Cette immersion dans le monde de l’archéologie influença profondément son écriture et lui fournit des décors authentiques pour plusieurs romans.


L’influence archéologique dans son œuvre policière
Cette expérience au Proche-Orient, vécue dans l’entre-soi de l’impérialisme anglais déclinant inspira directement des intrigues policières comme Le Crime de l’Orient-Express (1934), Meurtre en Mésopotamie (1936) ou Rendez-vous avec la mort (1938).


C’est également aux côtés de son époux qu’elle redécouvrit l’Égypte en 1933, développant un intérêt marqué pour les civilisations antiques qui nourrirait son imaginaire.
Témoignage littéraire d’une vie d’aventures
Son autobiographie La Romancière et l’Archéologue (1946) offre un témoignage précieux sur cette période, décrivant avec une sensibilité toute britannique son amour pour l’aventure archéologique. L’ouvrage révèle comment ces expériences orientales ont façonné à la fois sa vie personnelle et son œuvre romanesque.

Ces journées d’automne comptent parmi les plus belles de ma vie.
La lumière est merveilleuse, un rose tendre et légèrement délavé adoucit les marrons et les gris.
Cet endroit, où aujourd’hui seules les tribus se déplacent avec leurs tentes brunes, fut il y a bien longtemps un coin du globe très actif. Il y a environ cinq mille ans, le centre du monde était ici même.
La civilisation est née sur ces terres, et le fragment que je viens de ramasser appartient à une coupe d’argile façonnée à la main, décorée de point et de hachures croisées à la peinture noire, qui est l’ancêtre de la tasse Woolworth dans laquelle j’ai bu mon thé ce matin…
Agatha Christie et l’Egypte
Le premier voyage au Caire en 1910
À vingt ans, Agatha Christie effectue un premier séjour égyptien de trois mois au Caire, accompagnant sa mère dans un but thérapeutique. Installées au Gezirah Palace Hotel, elles fréquentent les soirées mondaines de la société coloniale. A cette époque, la jeune Agatha Clarissa Miller ne s’intéresse guère aux sites antiques et préfère passer son temps, chaperonnée par sa mère, à écumer les soirées à la recherche d’un éventuel prétendant de bonne famille.

Cette expérience inspire à la jeune Agatha Miller sa première tentative (peu concluante) d’écriture policière, The Lonely Petit, en 1911, utilisant déjà le Caire comme décor.
La découverte de l’Égypte antique et l’inspiration littéraire
La découverte du tombeau de Toutânkhamon en 1922 marque un tournant dans son approche de l’Égypte.
En 1923, elle écrit « L’Aventure du tombeau égyptien« , l’une des premières fictions évoquant la « malédiction des pharaons » (utilisée comme prétexte à une série de meurtres) à travers une enquête de Hercule Poirot. Ce texte témoigne de son intérêt nouveau pour l’archéologie et l’histoire égyptienne.
La croisière sur le Nil décisive de 1933
Le voyage déterminant a lieu en 1933, lorsqu’elle descend le Nil à bord du steamer Sudan de Thomas Cook, dans la foulée de son mariage et des compagnes archéologiques de son époux. Agatha Christie découvre la Haute-Egypte.
Ce bateau de croisière, anciennement réservé à la famille royale égyptienne, affrété par Thomas Cooke dès 1921, lui inspire l’atmosphère de huis clos mondain qui caractérise « Mort sur le Nil« .
Ses escales à Assouan (Old Cataract) et Louxor (Winter Palace), où toute la bonne société se donne rendez-vous, lui fournissent le cadre authentique de son futur roman policier.
Les ingrédients de « Mort sur le Nil » sont réunis: les palaces de la belle époque, les merveilles pharaoniques, le huis clos mondain de la croisière, l’entre-soi oisif de la bonne et …un dédain à peine voilé pour les autochtones.

photo : Christie Archive Trust
L’Égypte pharaonique comme source créative
Ses séjours se multiplient au gré des campagnes archéologiques de son mari.
En 1945, elle publie « La Mort n’est pas une fin« , son unique roman se déroulant dans l’Égypte antique et le seul de ses romans ne se déroulant pas au XXe siècle, écrit avec l’assistance de l’archéologue Stephen Glanville.
Mort sur le Nil, un roman aux multiples adaptations
Une intrigue policière emblématique
« Mort sur le Nil » compte parmi les romans les plus célèbres d’Agatha Christie mettant en scène l’extraordinaire et insupportable détective, Hercule Poirot.
Il a été publié pour la première fois au Royaume-Uni en 1937 par Collins Crime Club, puis aux États-Unis en 1938 et en France en 1945.
L’intrigue repose sur un huis clos fluvial. Durant une croisière sur le Nil, la riche héritière, Linnet Doyle, est assassinée. Le détective belge doit démêler les mensonges parmi les passagers, dont l’ancienne fiancée du mari de la victime. Poirot devra faire preuve de sagacité et de perspicacité pour démasquer le ou les coupables.

Les adaptations cinématographiques et leurs choix de tournage
Le roman a été adapté plusieurs fois au théâtre, à la radio, à la télévision et au cinéma.
Le film de 1978, avec Peter Ustinov dans le rôle de Poirot est devenu un classique.
Si l’adaptation cinématographique de 1978, est partiellement tournée au Old Cataract, dans le respect du texte original, l’adaptation télévisuelle de 2004, avec l’extraordinaire Suchet dans le rôle de Poirot, est tournée et place une partie de l’action au Winter Palace de Louxor. Le steam ship Sudan, celui-là même qui avait tant inspiré l’auteure, servira de cadre au tournage de ce dernier.




La dernière et très dispensable (à mon sens) adaptation (Branagh -2022) ne sera pas tournée en Egypte (à l’exception de quelques plans d’ensemble sans acteurs) et les décors seront reproduits en studio.
L’Égypte d’Agatha Christie, entre archéologie et fiction policière
À travers son œuvre, Agatha Christie transmet sa passion pour l’archéologie et nous guide vers des lieux emblématiques de l’Égypte : le Old Cataract Hotel d’Assouan, le steam ship Sudan, la vallée des Rois où repose Toutânkhamon. Son écriture restitue avec précision l’atmosphère de l’Égypte des années 1930, entre mondanités britanniques et découvertes archéologiques.
Ses romans policiers situés en Égypte, particulièrement Mort sur le Nil, offrent bien plus qu’une intrigue criminelle : ils constituent un témoignage littéraire sur une époque et une société. La romancière excelle à mêler fiction et réalité historique, utilisant les mythes comme la malédiction des pharaons pour servir ses intrigues.
Lire Agatha Christie aujourd’hui, c’est accéder à une double découverte : celle d’une Égypte disparue et celle des origines du roman policier moderne.
Son œuvre continue d’inspirer les voyageurs qui partent sur les traces de Poirot, transformant une simple croisière sur le Nil en immersion littéraire.
Sources
- AGATHA CHRISTIE, Come, tell me how you live, an archeological memoir, William Morrow Paperbacks, 2012 (réédition), 224 p.
- AGNES FIEUX, Agatha Christie: Reine du crime, Paris, Nouveau Monde éditions, 2007, 223 p.
- CHARLOTTE TRUMPLER, Agatha Christie and archeology, British Museum Press, Londres, 1999, 472 p.
- ANDREW HUMPREYS, Grand hotels in the golden age of travel, The American University in Cairo Press, Le Caire, 2015, 216 p.
- BRENDONPIERS, Thomas Cook, 150 years of popular tourism, Martin Secker & Warburg Ltd, Londres, 1991, 372 p.
- GAMBLIN SANDRINE , A tale of two cities: tourism and heritage management in Luxor , dans NICHOLAS HOPKINS et REEM SAAD, Social and economic process in upper Egypt, The American University in Cairo Press, Le Caire, 2004
- HAMBURSIN OLIVIER, Récits du dernier siècle des voyages, Presse Paris Sorbonne, Paris, 2005, 262 p.