Plongez au cœur de l’une des plus grandes aventures archéologiques de tous les temps : la mise au jour de la tombe de Toutankhamon, le pharaon adolescent qui a captivé le monde. Quand a été découverte la tombe de Toutankhamon ? C’était en novembre 1922 que l’archéologue Howard Carter a dévoilé un trésor inestimable : le seul tombeau royal quasi intact de la Vallée des Rois, rempli de bijoux étincelants et d’artefacts précieux. Cette révélation extraordinaire, entourée du mystère de la malédiction de Toutankhamon, a propulsé le jeune pharaon sous les feux de la rampe, faisant de lui une icône populaire immédiate. Revivez l’émerveillement de cette trouvaille majeure et comment Howard Carter a sorti Toutankhamon de l’oubli pour lui offrir une célébrité éternelle.

- La rencontre décisive : Carnarvon, Carter et Maspero
- Le Winter Palace, quartier général des fouilles
- Les premières fouilles et l’obsession de Toutankhamon
- La découverte historique de la tombe de Toutankhamon
- Louxor, épicentre d’une ruée mondiale médiatique et touristique
- La malédiction du tombeau : un « bad buzz » médiatique
- Sources
La rencontre décisive : Carnarvon, Carter et Maspero
L’arrivée de Lord Carnarvon en Égypte
Suite à un accident de la route en 1903, George Herbert, 5e comte de Carnarvon, se tourne vers l’Égypte dont le climat chaud et sec est favorable à sa convalescence. C’est lors de ce séjour au Caire que la lecture des travaux de l’égyptologue Gaston Maspero fait naître en lui une passion pour l’archéologie. Dès 1904, il cherche à obtenir une concession de fouilles et obtient en 1906 un premier permis pour fouiller à Cheick-Abd-el-Gournah.

La rencontre avec Howard Carter
Maspero recommande à Carnarvon Howard Carter, un artiste illustrateur devenu archéologue de terrain. Leur première rencontre a lieu fin 1907 au Louxor Hotel. Il est le seul archéologue persuadé que la Vallée des Rois n’a pas encore révélé tous ses secrets. Carter est déjà obsédé par la tombe de Toutankhamon, un pharaon alors méconnu dont seul le nom apparaît sur quelques artefacts. Le nom de Toutankhamon, si célèbre soit-il aujourd’hui, n’est, à l’époque, connu que de quelques universitaires.
Une lettre de Lord Carnarvon datée du 14 octobre 1907, déposée dans les archives de Maspero à la bibliothèque de l’Institut de France (Manuscrits 4009, folios 292-293) révèle :
« Vous aviez été assez aimable de me dire que vous pourriez me trouver un monsieur sachant l’Égyptologie pour surveiller mes travaux. Est-ce que vous avez pensé à quelqu’un ?
Je laisserai la question des honoraires entre vos mains mais je crois que je préférerai un compatriote. »
Le Winter Palace, quartier général des fouilles
Dès son ouverture en 1907, Carnarvon prend ses quartiers au Winter Palace qui devient le quartier général du duo Carnarvon-Carter. Bien que possédant sa propre maison (de fouille) sur la Rive Ouest, Carter est un visiteur assidu du palace.

Source Bnf

sur la terrasse du Winter.
La maison de fouille d’Howard Carter, située peu avant l’entrée de la Vallée des Rois a été restaurée et transformée en musée.
Les premières fouilles et l’obsession de Toutankhamon
Les fouilles à Cheick-Abd-el-Gournah s’avèrent peu productives. En 1914, Carnarvon obtient enfin un permis de fouilles pour la Vallée des Rois, permettant à Carter de poursuivre sa quête obstinée de la tombe de Toutankhamon. Les travaux, interrompus par la guerre, donnent des résultats décevants aux yeux d’un Carnarvon impatient d’en remontrer à Davis qui lui avait cédé sa concession.
Cet acharnement finira par payer en 1922 avec la découverte de la tombe inviolée de Toutankhamon. Une découverte qui faillit ne jamais avoir lieu : excédé par des années de fouilles infructueuses, Carnarvon avait décidé d’arrêter son financement après cette ultime campagne.
La découverte historique de la tombe de Toutankhamon
Les derniers jours des fouilles
En dernier ressort, l’équipe décide d’explorer la zone près des cabanes des travailleurs de la tombe de Ramsès VI, une tâche ardue nécessitant de déplacer des tonnes de débris sous le climat difficile du désert.
Le 4 novembre 1922 : une date historique
La chance sourit enfin à Howard Carter ce jour mémorable.
Un jeune porteur d’eau nommé Hussein découvre ce qui semble être une marche en creusant. Carter accourt et continue les fouilles, révélant un escalier de seize marches s’enfonçant à 4 mètres sous terre. Dans un état d’excitation fébrile, il fait reboucher le trou pour prévenir son mécène.
Le télégramme envoyé à Carnarvon dans sa propriété anglaise est resté célèbre :
« Avons enfin fait une découverte extraordinaire dans la vallée. Une tombe somptueuse dont les sceaux sont intacts. L’avons refermée jusqu’à votre arrivée. Félicitations . «
L’ouverture officielle de la tombe
Carnarvon se précipite en Égypte. Une vingtaine de jours après la découverte initiale, ils constatent ensemble que les sceaux de la tombe sont intacts. Le 29 novembre 1922, la tombe de Toutankhamon est officiellement ouverte.

Photo Burton
source BnF
Carter décrit ce moment :
« D’abord, je ne vis rien : l’air chaud s’échappant de la chambre faisait danser la flamme de la bougie. Puis, à mesure que mes yeux s’accoutumaient à la faible luminosité, des formes se dessinèrent lentement dans l’obscurité de la pièce, d’étranges animaux, des statues et de l’or – partout le scintillement de l’or. »
Dans l’antichambre, Howard Carter découvre un entassement impressionnant de lits, de chars et d’objets précieux. Son regard est attiré par des statues de gardiens noirs devant un mur. Il retire des blocs et se faufile à travers un passage étroit, découvrant une chapelle en bois doré renfermant d’autres chapelles et un sarcophage aux sceaux intacts.

Une découverte fabuleuse qui allait changer le cours de l’égyptologie.
L’inventaire extraordinaire de KV62
Le 29 novembre 1922, la tombe sera officiellement ouverte.
Il a fallu plus de dix ans pour dégager, dessiner, inventorier et préserver les 5 398 objets qui s’y trouvaient.

La tombe voisine de Ramsès VI sert de lieu de stockage pour les objets de la tombe. Ramsès VI est relégué au rang de gardien. Par ironie du sort, ce sont les ouvriers qui ont creusé sa tombe qui ont recouvert par mégarde l’entrée de KV62 et l’ont protégée des pilleurs pendant plus de 3000 ans.






Le travail sur le site s’est effectué dans un climat de fortes tensions avec le directeur du Service des Antiquités, le Français Pierre Lacau. Dès octobre 1922, celui-ci militait pour une nouvelle réglementation exigeant que toutes les découvertes archéologiques soient conservées en Égypte. Les deux hommes ne s’accordaient sur rien : la méthodologie des fouilles, l’accès au tombeau, ou même la communication envers les journalistes. La tombe de Toutânkhamon était ainsi au cœur d’une bataille qui dépassait l’archéologie pour entrer dans le domaine diplomatique.

Un contexte politique difficile
Au-delà de son immense intérêt archéologique, la découverte de la tombe de Toutânkhamon provoque de vifs soubresauts diplomatiques. Elle intervient en effet quelques mois seulement après que l’Égypte se soit affranchie du protectorat britannique (février 1922). Le pays est en plein renouveau nationaliste. Tandis que les archéologues étrangers se précipitent sur le site, les Égyptiens revendiquent avec force cette figure royale, symbole de leur passé glorieux, où se mêlent « pharaonisme » et aspirations nationales. Il devient alors hors de question de laisser les objets de cette sépulture inviolée partir pour Londres ou New York. Les tensions recurrentes entre les différentes parties conduiront à plusieurs interruptions des fouilles, notamment une suspension complète en 1924.

L’Égypte obtient son indépendance en 1936, mais ce n’est qu’en 1953 qu’un Égyptien est nommé à la tête du Service des Antiquités, marquant une réelle prise de contrôle du patrimoine national. Le trésor de Toutânkhamon, quant à lui, a été exposé pendant des décennies au Musée Égyptien du Caire sur la place Tahrir, attirant des millions de visiteurs.
Où sont les trésors aujourd’hui ? Toutankhamon déménage au GEM en novembre 2025
Une page historique s’est tournée avec l’inauguration du Grand Egyptian Museum (GEM), dont l’ouverture officielle au public est prévue le 1er novembre 2025. Ce joyau architectural accueillera désormais l’intégralité de la collection du pharaon dans un écrin moderne et spectaculaire, digne de ces antiquités légendaires.
Le trésor, qui a continué de fasciner le public à travers des expositions itinérantes au succès planétaire, trouvera ainsi sa demeure permanente et définitive à l’ombre des pyramides de Gizeh.
Louxor, épicentre d’une ruée mondiale médiatique et touristique
L’annonce de la découverte provoque un phénomène de frénésie sans précédent.
Le monde entier – journalistes, touristes, célébrités et têtes couronnées – déferle sur Louxor et investit en masse le Winter Palace, qui devient le QG de cette effervescence internationale. C’est depuis le hall de l’hôtel que Howard Carter choisit de communiquer sur l’avancée des travaux, affichant ses bulletins de fouille sur un grand panneau à l’intention de la presse.
Ce tableau d’affichage, unique point d’accès à des informations officielles, devient instantanément une attraction à part entière, attirant une foule compacte de reporters et de curieux avides du moindre détail.
Mais cet engouement se transforme bien vite en un véritable barnum médiatique.

L’afflux constant de visiteurs, les sollicitations permanentes et le brouhaha continus finissent par entraver sérieusement le travail des archéologues sur le terrain, au grand dam d’un Carter exaspéré par ces perturbations.

photo agence Meurisse source ; BnF

source : Leemage – AFP
René de la Bruyère commente sa propre expérience:
« Les choses en étaient là lorsque je présentai ma supplique à Son Excellence Soleiman Pacha. Celui-ci, tout en me refusant poliment le permis que je lui demandais, ajouta : Il vous reste un moyen de voir le sarcophage de ToutAnk-Amon ; vous écrivez dans les journaux français; faites valoir cette qualité, et vous pourrez visiter le tombeau, en même temps que la presse qui y est admise chaque quinzaine. Je savais que cette visite, forcément effectuée à la hâte, n’offre qu’un intérêt limité; faute de mieux, et d’ailleurs comptant sur l’imprévu, je décidai de m’en contenter, et je partis pour la vallée des Rois (…) c’est d’un sleeping de la Compagnie internationale des wagons-lits que je débarque un beau matin du mois de janvier au Winter Palace (…)
Un journal a raconté qu’une sociétaire de la Comédie-Française serait allée en somptueux équipage traîné par de nombreux chevaux, précédée par des coureurs antiques, rendre visite à Tout-Ank-Amon. J’inclinerais à croire que la grande artiste a dû prendre tout simplement une de ces victorias attelées de mules(…)
La route est longue et difficile, jusqu’aux nécropoles de Biban-el-Moulouk. (…)
Tout me porte à croire que ce sont les fatigues de ce voyage quotidien, plutôt que les maléfices des prêtres d’Osiris, qui ont été funestes à lord Carnavon et, plus récemment, à AI. Lafleur. Je m’approche poliment de l’assistant de M. Carter, et lui demande l’autorisation de descendre. Il la refuse d’un ton qui n’admet aucune réplique.(…)
La visite des journalistes ayant eu lieu deux jours avant mon arrivée, il me faudrait attendre treize jours la prochaine « descente au tombeau. » Est-il donc vraiment impossible d’obtenir l’autorisation désirée? J’envoie des télégrammes désespérés à Son Excellence Soleiman Pacha, à notre sympathique ministre de France, M. Gaillard, ainsi qu’à M. Pastour, directeur des Beaux-Arts, toujours si bienveillant pour ses compatriotes (…)
Deux jours après, je me retrouvais à Louqsor où je vis M. Carter. Celui-ci m’accueillit avec courtoisie. Il fut convenu que je me présenterais le lendemain à dix heures à l’hypogée. Je n’eus garde de manquer au rendez-vous. Je descendis les degrés qui conduisent au vestibule devant une haie d’envieux, dont certains avaient traversé la moitié du monde pour échouer devant une grille infranchissable.
Dans « Revue des deux mondes : recueil de la politique, de l’administration et des mœurs » , 03-1923 (source : BnF)
La malédiction du tombeau : un « bad buzz » médiatique
La mort prématurée de Carnarvon (septicémie), en 1923, suivant de près un incident futile (la mort du canari de Carter, avalé par un cobra à quelques jours de l’ouverture du tombeau) qui avait enflammé l’imagination des ouvriers locaux y voyant un mauvais présage, va galvaniser la presse qui voit en Carnarvon, la première victime d’une malédiction. Arthur Conan Doyle , adapte de spiritisme, est l’un des premiers à propager cette légende, tandis qu’Agatha Christie s’en inspire, en 1923, pour sa nouvelle, « l’Aventure du tombeau Egyptien », mettant en scène, pour la première fois, Hercule Poirot.

Dans « Le Siècle » du 6 avril 1923 (source : BnF) :
« L’égyptologue était-il la victime des divinités souterraines ? Les forces occultes dont disposaient, dit-on, les prêtres de l’ancienne Egypte, étaient-elles assez puissantes pour agir par delà les siècles ? […]
Le docteur Mardrus, pour qui ces choses de l’Orient ancien n’ont rien de secret en est convaincu. Il croit à une vengeance du Pharaon. M. Lancellin, spirite notoire, partage cette opinion. Et avec eux beaucoup d’autres, pour qui la mort de Lord Carnarvon apparaîtra comme la rançon de son audace. »
L’emballement premier pour la découverte archéologique se pare d’une aura de mystère dont raffole ce début de siècle et Louxor devient LA destination par excellence d’une bonne société oisive en recherche de sensations.
Le phénomène est analysé avec quelque peu de sarcasme dans cet article de « la vie algérienne » en 1924:
« (…)Ainsi assez récemment, en Egypte un fils tenace de la perfide Albion, feu Lord Carnavon, aidé de M. Howard Carter, remettait au jour la tombe enfouie depuis des siècles d’un Pharaon, désormais célèbre vedette de l’actualité : Tout-Ankh-Amon.
(…)Aussitôt s’organisait, à l’insu du Public gobeur et moutonnier, une réclame adroite savamment dosée. Chaque matin les journaux anglais publiaient, en manchette, la découverte sensationnelle (une par jour) : coffre, canne, tabouret, mannequin, gant même, avec, dans le texte explicatif, un luxe de descriptions, de poésie, d’évocations, incitant les moins curieux des « buss-ness-men » à aller dans la Vallée des Rois; se rendre compte par eux-mêmes des merveilles qu’ils y pourraient voir exhumer !
(…) La légende naissait, croissait, se réalisait.
(…)Peu à peu la vague de surnaturel et d’incroyable presque déferla sur les pays européens après que les Américains, toujours à l’affût du sensationnel, eurent fait surenchère au splendide et à la superbe. des trésors impériaux.
La France alors. Paris enfin, s’émurent ; nos journaux nous tinrent plus souvent au courant des fouilles entreprises entre le Caire et Louqsor.
(…)Et le Public, poisson aux yeux aveugles, mordit en plein à l’appât lancé, bien lancé à la façon d’un roman de Pierre Benoist.
De tous les coins d’Angleterre et du monde (savant à peine, snob surtout) en avalanches déferlèrent vers les chemins de fer et les bateaux (…)
(…)Ces intrépides explorateurs avaient en plus à cœur : d’arriver les premiers, d’être là lorsque le sarcophage même du Roi si grand serait dévoilé à son tour.
(…)Et le but visé était atteint.
Les touristes harassés de fatigue (la réaction se produisant) étaient heureux de laisser s’écouler des heures délicieuses dans les hôtels (si bien indiqués, sur tous les plans, sur tous les « à vol d’oiseau » panoramiques) avoisinant la Vallée des Rois.
Il n’y avait que l’embarras du choix : Winter Palace Hôtel, Hôtel Karnak, Grand Hôtel Tewfikieh, Savoy Hôtel.
(…)A l’heure du thé, plus tard, à Paris, à Londres ou à New- York, la femme du roi du lard ou de la mélasse pourrait dire : « Oui ! ma chère, j’y étais en même temps qu’elles. ! J’ai vu le Roy. ! » Quelle gloire !
Ah ! les Anglais sont d’habiles gens.
Alors, subitement, les chaleurs furent intolérables en Egypte : les journaux du monde entier, en entrefilets dosés avec goût, l’annoncèrent. et le tombeau, source de profits présents et futurs, fut refermé : on le rouvrirait la saison suivante.
La vie algérienne, tunisienne et marocaine, n°1, 5 octobre 1924 (source: BnF)
Ainsi la découverte, extraordinaire certes, mais tapageuse, d’un roitelet finalement insignifiant allait finir d’inscrire Louxor sur la liste des sites où il était impératif de se rendre. Le Winter Palace d’où tout était parti, quant à lui, sut tirer parti de la frénésie ambiante et du mystère savamment entretenu pour devenir un petit plus incontournable.
Sources
- BRENDON PIERS, Thomas Cook, 150 years of popular tourism, Martin Secker & Warburg Ltd, Londres, 1991, 372 p.
- GAMBLIN SANDRINE , A tale of two cities: tourism and heritage management in Luxor , dans NICHOLAS HOPKINS et REEM SAAD, Social and economic process in upper Egypt, The American University in Cairo Press, Le Caire, 2004
- HAMBURSIN OLIVIER, Récits du dernier siècle des voyages, Presse Paris Sorbonne, Paris, 2005, 262 p.
- The oriental institute, news and notes, 190, été 2006, the oriental institute of the university of chicago, PP 3 à 11
- http://historichotels.com.eg/en/winter-palace-hotel/history-of-the-hotel.html
- htpp://egyptroyalty.net
- https://gallica.bnf.fr/
- https://gallica.bnf.fr/blog/20092019/la-decouverte-de-la-tombe-de-toutankhamon
- https://oi.uchicago.edu/gallery/discovery-tomb-tutankhamun-harry-burton-photographs