Temple funéraire d’Amenhotep III et Colosses de Memnon : Découvrez l’histoire antique de Thèbes

6–10 minutes

Les statues sur la route vers la Vallée des Rois et les temples de la Rive Ouest sont souvent juste un arrêt rapide pour les bus de touristes. On descend du bus, on entend quelques explications rapides, on prend des photos pendant dix minutes et on repart ! Mais en réalité, ces statues méritent qu’on s’y attarde un peu plus longtemps que les quelques minutes affairées laissées par les guides. 📸

Les Colosses sont les plus grands vestiges du temple funéraire édifié pour Amenhotep III (Aménophis III).

  1. Le temple des millions d’années d’Amenhotep III
  2. Les colosses n’ont de Memnon que le nom !
  3. Les colosses de Memnon
  4. Un site longtemps délaissé par les archéologues
  5. Les colosses de Memnon ne sont plus seuls
  6. Sources

À la fin de sa vie, Amenhotep III, qui préférait de plus en plus Thèbes à la capitale du nord, Memphis, décida de faire construire son temple funéraire dans la même zone que de nombreux prédécesseurs. Ce temple, situé du côté ouest du fleuve, au pied des nécropoles, occupait un vaste rectangle de 600 mètres sur 100. Les dimensions de ce temple, rivalisaient avec celles d’autres édifices similaires. Le choix de son emplacement est curieux : lors des inondations du Nil, il semblait flotter sur l’eau. Certains y voient une allégorie rappelant le “Noun” primordial, c’est-à-dire la masse liquide d’où émergèrent les premiers dieux et toute vie.

Il était entouré d’une immense enceinte en brique crue et comportait trois pylônes. Les colosses en ornaient l’entrée extérieure, face à l’est.

plan du palais de Amenhotep III
Plan du « château de millions d’années » d’Amenhotep III
Source : https://lisa.gerda-henkel-stiftung.de/

Ce temple fut sans doute l’un des plus aboutis et l’un de splus magnifiques temples de Thèbes Ouest. Le règne d’Amenhotep III constituant, du point de vue artistique, mais pas seulement, l’apogée du Nouvel Empire.

Pharaon le décrit de la sorte :

« Un temple splendide a été fait pour lui sur la rive ouest de Thèbes, une forteresse d’éternité pour toujours, en belle pierre blanche de grès. Ce temple est entièrement revêtu d’or, son pavement est orné d’argent, toutes ses portes sont en électrum, construit très large, et très grand et parfait à jamais ».

Le temple funéraire d’Amenhotep III, bien qu’il ait été l’un des plus grands édifices construits par un pharaon, n’a pas résisté au passage du temps aussi bien que le Ramesseum voisin ou d’autres temples funéraires. Des séismes, notamment pendant le règne de Ramsès II et à nouveau en -27, ont causé des dommages. De plus, la proximité du Nil et ses crues ont accéléré sa dégradation. À la fin de la période pharaonique, il ne restait probablement plus grand-chose du temple, à l’exception de deux colosses. 

Selon Strabon, l’historien et géographe grec, le tremblement de terre évoqué ci-dessus, aurait provoqué des fissures sur les colosses d’Amenhotep III, allant de l’épaule au bassin.

À chaque lever du soleil, la statue nord émettait des sons, sans doute liés à un phénomène naturel dû à l’humidité et au vent passant à travers les fissures des statues. Elle chantait ! Les colosses devinrent une attraction et un lieu de pèlerinage et furent bientôt considérés comme un oracle, “l’oracle de Memnon” (le roi mythique d’Éthiopie, fils de l’Aurore).

Les visiteurs ont l’habitude de laisser un graffiti, généralement comprenant la mention « audi Memnonem » (« j’ai entendu Memnon »), accompagnée de leur nom et de la date de leur passage.

«Lorsque, dans ma jeunesse, je vivais en Égypte, où mon père m’avait envoyé pour m’instruire dans les sciences, il me prit envie de remonter le Nil jusqu’à Coptos, et d’aller de là voir la statue de Memnon, afin d’entendre ce son merveilleux qu’elle rend aux premiers rayons du soleil levant. Je l’entendis, non pas, comme le commun des hommes, rendre un son inarticulé ; Memnon lui-même ouvrit la bouche pour moi et me rendit un oracle en sept vers, qu’il serait inutile de vous réciter. »

Lucien de Samosate, « Les amis du mensonge ou l’incrédule »

Pour honorer Memnon en remerciement de ses oracles, l’empereur Septime Sévère fit restaurer, en 199, les statues, qui se turent à jamais, les ingrates !

Ces colosses, mesurent environ 20 mètres de haut. Leur poids respectif est estimé à 1300 tonnes. Ils ont été taillés dans un des matériaux les plus durs qui soient, assimilé à une brèche siliceuse quartzite, très difficile sinon impossible à tailler.

On devrait l’érection des Colosses à Amenhotep fils de Hapou, scribe royale et « chef de tous les travaux du Roi » qui fut à titre posthume,  considéré comme l’un des grands savants égyptiens avec Imhotep aux côtés duquel il est honoré pendant plusieurs siècles comme bienfaiteur et guérisseur.

Amenhotep, fils de Hapou au musée de Louxor
Amenhotep, fils de Hapou au musée de Louxor

Amenhotep III est représenté coiffé du nemes. Les Egyptologues pensent qu’une autre coiffure -peut-être le Pschent, double couronne – le surplombait. Cette profusion de couronnes était très en vogue sous Amenhotep III.

Le roi est assis sur un siège sur les face latérales duquel est gravé le « Sema Tawy » ou union des deux terres, la Haute et la Basse Egypte. on y voit Hâpy, divinité androgyne symbolisant le Nil, représenté deux fois, en symétrie. L’un porte une coiffe formée de fleurs de lotus (symbole de le Haute-Egypte), l’autre d’ombrelles de papyrus (symbole de la Basse-Egypte). Ils s’affairent à nouer les deux plantes héraldiques autour d’un axe (certains font un parallèle avec la trachée), sortant et remontant d’un cœur ouvert.

colosses de Memnon Sema Tawy

Au dos des colosses, les titres de Pharaon.

Aux pieds de Pharaon, les deux femmes les plus importantes de sa vie. A sa droite, la grande épouse royale Tiyi et à sa gauche, la reine mère Mountemouya.

La grande épouse royale d'Amenophis III, Tiyi
La grande épouse royale, Tiyi

Sur les jambes et les pieds du colosse Nord (à droite), des inscriptions grecques et latines laissées par des visiteurs de passage.

colosses de Memnon : inscriptions grecques

Ci-dessous, pour exemple, la traduction de l’inscription 28 laissée par la poétesse Julia Balbilla, le 30 novembre 130 après J.-C.:

« De Julia Balbilla, quand l’auguste Hadrien entendit Memnon : Memnon l’Égyptien, avais-je entendu dire, échauffé par les rayons du soleil, faisait entendre une voix qui sortait de la pierre thébaine. Il aperçut Hadrien, souverain roi, avant que brille le soleil, et le salua comme il pouvait. Mais lorsque Titan (Tithon) s’élançant dans les airs avec ses blancs chevaux, maintenait dans l’ombre la seconde division des heures, on eût dit qu’on frappait un instrument de cuivre, et Memnon émit de nouveau un cri aigu ; comme salut il émit même un son pour la troisième fois. Alors l’empereur Hadrien prodigua les saluts lui aussi à Memnon, et, sur la pierre, il laissa pour la postérité des vers qui montrent tout ce qu’il avait vu et entendu. Il apparut clairement à tous que les dieux le chérissaient

Au XIXe siècle, des chasseurs de trésor prélevèrent quelques statues du site. Des sphinx embellirent les bords de la Néva à Saint-Pétersbourg, tandis que des statues d’Amenhotep III furent transportées au British Museum et au Louvre.

Colosses de Memnon sous la crue du Nil - David Roberts
Colosses de Memnon sous la crue du Nil – David Roberts

Cependant, le site, où seuls quelques fragments de pierre et les deux colosses de Memnon subsistent, n’attire guère l’attention des archéologues. Des fouilles limitées furent menées dans les années 50 et 70, mais elles ne révélèrent que de maigres vestiges et restèrent sans suite.

Le site a longtemps souffert de négligence jusqu’à ce que, dans les années 90, l’archéologue d’origine arménienne Hourig Sourouzian entreprenne une vaste action de sauvegarde. Elle réussit à faire inscrire, en 1998, le site sur la liste des 100 monuments les plus en danger de l’ONG américaine WMF (Fonds mondial pour les monuments). Dans les années 2000, le projet de conservation du temple d’Amenhotep III et des colosses de Memnon fut lancé. Grâce à des financements privés, des fouilles ont été menées, révélant régulièrement une riche statuaire et permettant au temple funéraire de dévoiler peu à peu ses secrets. 🏛️🔍

Le « projet de conservation du temple d’Amenhotep III et des colosses de Memnon » est une entreprise de restauration extraordinaire, en cours depuis 1998. Grâce à une équipe pluridisciplinaire égyptienne et européenne dirigée avec passion par Hourig Sourouzian, le temple autrefois oublié revit peu à peu.

Chaque saison apporte son lot de merveilles avec, notamment, l’apparition et le remontage de nouvelles statues, changeant ainsi petit à petit l’aspect du temple et lui rendant progressivement sa grandeur d’antan. Ce chantier est à proprement parler … pharaonique, un travail colossal.

Si vous vous arrêtez aux « colosses de Memnon », n’hésitez pas à vous aventurer un peu loin le long de la route. Vous pourrez admirer l’ensemble du chantier. Les progrès réalisés sont très didactiquement expliqués sur de petits panneaux (en anglais).

Durant la saison de fouilles, en hiver, vous aurez peut-être la chance de voir les équipes au travail. Soyez attentifs au fait qu’il est strictement interdit de photographier des fouilles en cours ! En dehors de ces périodes, vous pouvez photographier le site à volonté.

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